Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/318

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Mille Amours logent là-dedans,
Et de leurs petits traicts ardans
Ta prunelle est toute remplie.

Amour de tes regards souspire,
Et, ton esclave devenu,
Se voit luy-mesme retenu,
Dans les liens de son empire.

Ô beauté sans doute immortelle,
Où les Dieux trouvent des appas !
Par vos yeux je ne croyois pas
Que vous fussiez du tout si belle.

Qui voudroit faire une peinture
Qui peust ses traicts representer,
Il faudroit bien mieux inventer
Que ne fera jamais nature.

Tout un siecle les destinées
Travaillerent après ses yeux,
Et je croy que pour faire mieux
Le temps n’a point assez d’années.

D’une fierté pleine d’amorce,
Ce beau visage a des regards,
Qui jettent des feux et des dards
Dont les Dieux aymeroient la force.

Que ton teinct est de bonne grace !
Qu’il est blanc, et qu’il est vermeil !
Il est plus net que le Soleil,
Et plus uny que de la glace.

Mon Dieu ! que tes cheveux me plaisent !
Ils s’esbattent dessus ton front,
Et les voyant beaux comme ils sont,
Je suis jaloux quand ils te baisent.

Belle bouche d’ambre et de roze,
Ton entretien est desplaisant
Si tu ne dis, en me baisant,
Qu’aymer est une belle chose.