Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Je croy que les dieux et les hommes,
Dedans le climat où nous sommes,
Ne parlent que de nostre amour.

     Je suis plus craintif que vous n’estes,
Et crains que les destins jaloux
Ne donnent un langage aux bestes
Pour leur faire parler de nous.
Une ombre, un rocher, un zephire,
Parlent tout haut de mon martyre,
Et, quand les foudres murmurans
Menacent les pechés du monde,
Je croy que le tonnerre gronde
Du service que je vous rends.

     Mais, quoyque le ciel et la terre
Troublassent nos contentemens
Et nous fissent souffrir la guerre
Des astres et des elemens,
Il faut rire de leurs malices,
Et dans un fleuve de delices
Noyer les soins injurieux
Qui privent nos jeunes années
Des douceurs que les destinées
Ne permettent jamais aux vieux.



ODE.


Heureux, tandis qu’il est vivant,
Celuy qui va tousjours suivant
Le grand maistre de la nature,
Dont il se croit la creature !
Il n’enviera jamais autruy,
Quand tous les plus heureux que luy
Se mocqueroient de sa misere ;