Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/360

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De quelque beau poëme où vous serez dépeinte.
Là, si mes volontez ne manquent de pouvoir,
J’auray bien de la peine en ce plaisant devoir.
En si haute entreprise où mon esprit s’engage,
Il faudroit inventer quelque nouveau langage,
Prendre un esprit nouveau, penser et dire mieux
Que n’ont jamais pensé les hommes et les Dieux.
Si je parviens au but où mon dessein m’appelle,
Mes vers se moqueront des ouvrages d’Apelle.
Qu’Heleine resuscite : elle aussi rougira,
Par tout où vostre nom dans mon ouvrage ira.
Tandis que je remets mon esprit à l’eschole,
Obligé dès long-temps à vous tenir parole,
Voicy de mes escrits ce que mon souvenir,
Desireux de vous plaire, en a peu retenir.



ELEGIE.


Je pensois au repos, et le celeste feu
Qui me fournit des vers s’allantissoit un peu,
Lors que le messager qui m’a rendu ta lettre
Dans ma premiere ardeur m’est venu tout remettre.
J’ay d’abord à peu près deviné ton dessein,
Et dès lors que mes yeux ont recogneu ton seing,
Mon sang s’est réchauffé, tes vers m’ont picqué l’ame,
Et de leur propre esclat m’ont jetté de la flame.
Clairac en est esmeu, son fleuve en a grossi,
Et, dans ce peu de temps que je t’escris cecy,
D’autant qu’à ta faveur il sent flatter son onde,
Lot s’est rendu plus fier que riviere du monde.
Le desbord insolent de ses rapides eaux,
Couvrant avec orgueil le faiste des roseaux,
Fait taire nos moulins, et sa grandeur farouche
Ne sçauroit plus souffrir qu’un aviron le touche.
Dans l’excez de la joye où tu le viens ravir,