Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/397

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Il est bien vray qu’aux yeux du populaire
Ce que j’ay faict paroistra téméraire,
Et, me traictant comme un esprit abject,
Ce long courroux semble avoir du subject.
Mais si tu veux considérer encore
Ce que je suis, à quel point je t’honore,
A quel degré mon amitié s’estent,
Ce souvenir ne t’ennuyra pas tant.
Je ne veux point m’ayder de mon mérite
Pour excuser ma faute qui t’irrite,
Ny, mandiant un estranger appuy.
Devoir ma paix à la faveur d’autruy.
Il ne faut point qu’autre que moy me trace
Honteusement un retour à ta grâce.
Si c’est Lisandre à qui je dois ce bien,
Mon repentir ne m’a servy de rien ;
Si c’est luy seul pour qui tu me pardonnes,
C’est désormais à luy que tu me donnes,
Et que tu veux laisser à sa mercy
De me sauver et de me perdre aussi.
Mais s’il te reste encore quelque flame
Des beaux désirs que je t’ay veu dans l’ame.
Si tu n’as point perdu ceste bonté,
Si tu n’as point changé de volonté,
Je suis certain que tu seras bien aise
Qu’autre que toy ton cœur ne me rapaise.
Et je serois marry qu’autre que nous
Eust jamais sceu ma faute et ton courroux.
Tu me diras que ta haine estoit feinte,
Qu’en ce despit ton ame estoit contraincte,
Que tu voulois esprouver seulement
Si ton courroux me pressoit mollement,
Si le refus de ta douce caresse
M’obligeroit à changer de maistresse.
Lors, par le ciel, par l’honneur de ton nom,