Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/141

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ce qui était dans la maison sort dans la cour ; les trois femmes de ces malheureux arrivant comme les autres, tombent évanouies. Nous disons aux cavaliers que ce ne sont pas des soldats venus pour nous arrêter, mais les maris des femmes réfugiées chez nous ; qu’ils venaient les chercher et s’étaient armés seulement pour les défendre. Les paysans ne voulant pas entendre raison, Henri se met à leur parler. Pendant ce temps, nous faisons entrer ces trois hommes dans le salon, dont nous fermons la porte ; là nous les faisons changer d’habits, prendre une cocarde blanche, et, quand la troupe est un peu apaisée, nous les montrons sous ce nouveau costume ; on les fait marcher sur la cocarde nationale, crier Vive le Roi, et enfin les cavaliers se calment.

La nourrice de ma fille, qui la gardait dans son village depuis le commencement de la guerre, vint me l’apporter. Cette femme avait la plus grande répugnance à me suivre ; elle avait des évanouissements, de chagrin de quitter son mari, ou bien de frayeur ; cela me faisait craindre qu’elle ne perdît son lait, et je croyais ma fille plus en sûreté avec des paysans qu’avec moi ; je me décidai à la lui laisser, lui faisant promettre de se tenir cachée dans le pays, et je chargeai beaucoup de gens de veiller sur elle.

Enfin nous partîmes vers midi pour Bressuire, et M. de Lescure accompagna Henri pour donner l’alarme à Parthenay. Avant de s’en aller, il dit aux patriotes qu’ils pouvaient rester dans le château, tant qu’ils craindraient la moindre chose ; il le permit même à Motot, ce scélérat qui avait quitté Clisson au commencement de la guerre, pour être chirurgien des Bleus à Bressuire, et qui était venu s’y réfugier le 2 mai. Cet homme avait déjà montré la plus noire ingratitude, et depuis a continué son affreuse conduite, malgré la clémence de M. de Lescure et la leçon également forte et touchante qu’il lui donna en lui faisant grâce. Presque tous les autres patriotes restés à Clisson étaient des gens honnêtes et paisibles.