Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/163

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dont il se sentait coupable ; mais le brave Bibard, déposant tout ressentiment, loin d’accabler son ennemi par le récit de ses torts, demanda et obtint qu’on le mît en liberté, puis il lui dit à voix basse : « Souviens-toi que je t’ai pardonné pour l’amour de Jésus-Christ. » Les blessures de Bibard ne se sont jamais entièrement guéries ; quand une se ferme, il s’en ouvre une autre. Malgré cela, il a constamment continué à servir dans les guerres de la Vendée et à s’y distinguer.]

Nous nous trouvâmes sans poudre ; en rassemblant tout ce qui nous restait, nous n’avions en tout que six pièces d’artillerie, une trentaine de gargousses, et tout au plus une cartouche par soldat. Cependant les généraux ne perdirent pas courage ; ils affectaient un air de gaieté et d’assurance, en disant qu’ils prendraient leur revanche au centuple ; ils invitèrent les prêtres à exhorter le peuple pour le ranimer, et surtout à dire que c’était Dieu qui avait permis la déroute, pour marquer son mécontentement de ce qu’on avait fait du dégât dans quelques maisons de la Châtaigneraie.

Ce fut dans cette occasion que nous engageâmes M. l’abbé Pierre Jagault, qui venait nous dire la messe, à prêcher les habitants de Mallièvre ; il monta en chaire sans préparation, pour la première fois de sa vie. Il montra une éloquence si vive, si touchante, si entraînante, que depuis on l’a très souvent sollicité de parler, et bien des personnes le préféraient même au curé de Saint-Laud : c’étaient les deux meilleurs prédicateurs de l’armée.

Un événement aussi singulier qu’imprévu ranima surtout les paysans : un M. de Folleville[1], qui était prêtre et se disait

  1. Guillot dit Folleville (du nom de sa grand’mère maternelle, l’Heureux de Folleville), Pierre-François (et non Jean-Louis, son frère, né le 30 octobre 1760), était fils d’un commissaire de la marine à Saint-Malo. Docteur en théologie, il avait été nommé à la cure de Dol, le 2 avril 1790. Il suivit l’armée vendéenne jusqu’à sa dispersion ; il fut pris à Ancenis, condamné et exécuté à Angers le 16 nivôse an II, 5 janvier 1794. Il avait trente-deux ans.