Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/46

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furent obligés de renoncer à venir chez maman, où ils ne trouvaient que des gens dévoués au Roi.

J’allai voir la procession des états généraux, ainsi que la séance, et plusieurs autres choses remarquables. Je faisais de la musique tous les soirs avec M. le comte d’Astorg[1], officier aux gardes du corps, qui, dans l’émeute de Versailles contre l’archevêque de Paris, avait blessé un homme, et depuis, avec M. de Savonnières[2], qui avait escorté M. Necker aux frontières, lors de son renvoi le 10 juillet ; par ces raisons, il était abhorré des patriotes. M. de Galvimont[3] et plusieurs autres personnes formaient notre concert. Je m’amusais infiniment, tandis que, dans le même salon, on faisait les conversations les plus intéressantes.

Les régiments de Bouillon et de Nassau venaient d’arriver à Versailles, ils étaient logés dans l’Orangerie ; nous fûmes les voir. Le lendemain, mardi 14 juillet, à six heures du soir, un monde étonnant se promenait sur le parterre du Midi, au-dessus de l’Orangerie. Les officiers des régiments faisaient jouer la musique militaire ; on exécutait des allemandes, la joie était sur tous les visages. Je n’oublierai jamais ce moment : quel contraste ! On entend quelques chuchotements. M. de Bonsol[4], officier aux

  1. Jean-Jacques-Marie, comte d’Astorg, né à Auch le 11 juin 1752, lieutenant des gardes dans la compagnie de Luxembourg, colonel en 1788, commanda un corps de l’armée de Condé. Nommé, en 1815, maréchal de camp, il fut mis à la tête du département de Seine-et-Marne, et retraité, en 1816, comme lieutenant général et commandeur de Saint-Louis ; il mourut à Auch le 28 janvier 1822.
  2. Timoléon-Magdelon-François, marquis de Savonnières, né à Metz le 28 novembre 1740. Enseigne au régiment de Normandie en 1755, major du régiment de Navarre en 1776, chevalier de Saint-Louis, mestre de camp en 1780, lieutenant aux gardes du corps en 1786 ; il eut le bras cassé d’un coup de fusil par un garde national de Versailles, le 5 octobre 1789, et mourut le 9 février suivant.
  3. Jean-Augustin-Armand de Calvimont, né à Villeneuve-d’Agen, baron de Saint-Martial, comte de Saint-Chamarans, page du Roi, puis capitaine dans royal-Piémont, mort à Bordeaux, le 13 février 1812, à l’âge de 50 ans.
  4. Jean-Guillaume-Vincent, comte de Bonsol, né le 1er juin 1751, aux Esseintes près La Réole ; volontaire aux grenadiers de France en 1765, sous-lieutenant en 1767, mestre de camp de cavalerie en 1779, chevalier de Saint-Louis en 1784, lieutenant aux gardes du corps en 1789. Il émigra et fut retraité en 1815 comme lieutenant général et grand-croix de Saint-Louis.