Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/115

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du crédit de ce cher comte de Rivera pour faire, réussir ma troisième intrigue auprès de la cour paternelle de Turin. Elle avait pour bu de m’obtenir la permission de voyager encore une année, que je consacrerais à visiter la France, l’Angleterre et la Hollande, noms qui sonnaient merveilles et plaisirs aux oreilles de ma jeunesse inexpérimentée. Ce dernier manège eut le succès des autres. Cette année de plus obtenue, je me vis pendant tout le cours de 1768, ou à peu près, en pleine liberté, avec la certitude dé pouvoir courir le monde. Mais survint alors une petite difficulté qui m’attrista long-temps. Mon curateur, avec qui je n’étais jamais entré en compte, et qui avait toujours évité de me laisser voir clairement ce que j’avais de revenus, ne s’expliquant jamais qu’en termes vagues et ambigus, et tantôt m’accordant de l’argent, tantôt m’en refusant, m’écrivit, à propos de la permission que je venais d’obtenir, que, pour cette seconde année, il m’ouvrirait un crédit de 1,500 sequins : il ne m’en avait donné que 1,200 pour mon premier voyage. Cette déclaration de sa part m’effraya beaucoup, sans toutefois me décourager. Comme j’avais toujours ouï dire que tout était fort cher au-delà des monts, il me semblait très-dur de m’y trouver au dépourvu, et de me voir contraint à y faire une si pauvre figure. D’un autre côté, je ne pouvais trop me risquer à écrire de ma bonne encre à mon avare de curateur : c’était la véritable manière de me le mettre à dos. Certes il n’eût pas manqué de faire sonner bien haut à mes