Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ductions, que je faisais toujours marcher de front, Térence et l’Énéide, et, dans le courant de 1793, je les terminai, sans achever pourtant de les polir et d’y mettre la dernière main. Mais Salluste, le seul ouvrage à peu près auquel j’eusse un tant soit peu touché pendant mon voyage en Angleterre et en Hollande (j’en excepte les Œuvres de Cicéron, que je lus toutes et relus avec passion), le Salluste, que j’avais corrigé et limé avec le plus grand soin, je voulus le recopier tout entier pendant cette année de 1793, et je crus lui avoir donné par là le dernier coup de pinceau. J’écrivis encore, en forme de satire et en prose, un récit abrégé des affaires de Trance. Comme je me trouvai un déluge de compositions poétiques, sonnets, ou épigrammes, sur ces risibles et douloureux bouleversemens, voulant prêter un corps et une existence à tous ces membres épars, il me vint à l’esprit de faire servir cette prose de préface à un ouvrage qui aurait pour titre : Misogallo ; la préface devait rendre raison de l’ouvrage.

Je repris donc ainsi peu à peu le sentier de mes études ; nos revenus s’étaient fortement réduits, tant ceux de mon amie que les miens ; toutefois, comme il nous restait encore de quoi vivre décemment, que je l’aimais chaque jour davantage, et que plus elle était en butte aux coups du sort, plus elle devenait pour moi une chose élevée et sacrée, mon esprit s’apaisait, et l’amour du savoir se rallumait dans mon âme plus ardent que jamais. Mais pour des études sérieuses, telles que j’eusse voulu