Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/511

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teur ordonna des sinapismes aux pieds ; mais au moment où ils commençaient à opérer, le malade s’en débarrassa, dans la crainte que la plaie venant à se former, il ne fût pendant plusieurs jours empêché de marcher. Le soir, il paraissait mieux, et ne voulut pas se mettre au lit, ne croyant pas pouvoir le supporter. Dans la matinée du 7, son médecin ordinaire fit appeler un de ses confrères en consultation, et ce dernier ordonna des bains, et des vésicatoires aux jambes. Mais le malade n’en voulut pas non plus, toujours dans la crainte de ne pouvoir marcher. On lui fit prendre de l’opium qui calma les douleurs, et lui fit passer une nuit assez tranquille. Toutefois il ne se mit pas encore au lit ; ce repos que lui donnait l’opium n’était pas sans quelque mélange d’hallucinations importunes ; il avait la tête pesante, et quoique éveillé, il retrouvait comme en songe le souvenir des choses passées le plus vivement empreintes dans son esprit. Il se rappelait alors ses études et ses travaux de trente années, et ce qui l’étonnait davantage, un bon nombre de vers grecs du commencement d’Hésiode, qu’il n’avait lus qu’une fois, lui revenaient à la mémoire... Vous étiez assise près de lui, madame la comtesse, et c’est à vous qu’il le disait. Toutefois il ne semblait pas croire que la mort avec laquelle il s’était depuis long-temps familiarisé, le menaçât alors de si près. Du moins,madame, il ne vous en témoigna rien, quoique vous ne l’ayez quitté que le matin, à six heures, lorsqu’il s’obstina, contre l’avis des médecins, à prendre de l’huile et de la ma-