Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/74

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avant, et qui m’avait enlevé toute la peau du crâne. Le mal fut plus grave que la première fois, tant ma pauvre tête était peu faite pour devenir un arsenal de définitions, de digestes et autres merveilles de l’un et l’autre Gius (droit). Je ne saurais mieux peindre l’état physique de ma tête à l’extérieur, qu’en la comparant à la terre lorsque, brûlée par le soleil, elle s’entrouvre en tous sens, dans l’attente de la bienfaisante pluie qui doit refermer ses blessures. Mais il sortait de mes plaies une telle quantité d’humeur visqueuse, qu’il fallut bien cette fois abandonner mes cheveux à l’odieux outrage des ciseaux, et au bout d’un mois je sortis de cette hideuse maladie, tondu et affublé d’une perruque. Cet accident fut un des plus douloureux que j’aie éprouvés dans ma vie, tant pour la perte de mes cheveux que pour cette maudite perruque, qui devint aussitôt la risée de tous mes camarades espiègles et pétulans. D’abord, je voulus prendre ouvertement sa défense ; mais voyant que je ne pouvais à aucun prix la sauver du torrent déchaîné qui l’assaillait de toutes parts, et, que je courais le risque de me perdre moi-même avec elle, je passai tout-à-coup dans le camp ennemi, et, prenant le parti le plus leste, j’arrachai mon infortunée perruque avant qu’on ne m’en fît l’affront, et je la jetai en l’air, comme une balle, la livrant le premier à toutes les infamies de la terre. Qu’en arriva-t-il ? C’est qu’au bout de quelques jours l’émotion populaire s’était si bien refroidie, que je pouvais passer pour la perruque la moins persé-