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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

Notre train quitta la gare de Saint-Paul à 11 h. Désormais, laissant derrière nous les États de l’Est, aux populations denses, nous allions nous enfoncer dans les États de l’Ouest, aux vastes solitudes. Après douze heures de course dans la région désolée des «  Mauvaises terres  » et les plaines mornes qui lui succèdent, nous arrivons à Bismark, capitale du Dakota (Nord), où nous traversons le Missouri. Nous continuons à courir toujours droit à l’Ouest. Encore douze heures et nous sommes à Billings, dans l’État de Montana, samedi, 11 h. du matin. C’est ici que pour la première fois j’aperçois, fermant l’horizon, la chaîne des Montagnes Rocheuses. Je contemplais rêveur ces cimes glacées que j’étais venu chercher de si loin, et commençais à m’étonner que le train tardât si longtemps à se remettre en marche, lorsque j’appris que nous avions à subir un retard de 8 h. Le train qui nous précédait avait déraillé  ; on parlait de plusieurs tués et de wagons incendiés. Le bruit courut aussitôt dans la foule surexcitée qu’on avait commandé déjà quarante cercueils. Aussi lorsque le train de secours revint du lieu du sinistre et rentra en gare, tintant comme un glas sa cloche mélancolique, tout le monde se précipita pour voir les morts. Je n’en vis point  ; il y en avait cependant deux ou trois, je pense  ; mais je vis des blessés, entr’autres une religieuse qu’on emportait sur une civière. Je sus plus tard que c’était la Supérieure des Ursulines de Butte.

Nous étions au samedi 4 octobre  ; nous devions arriver à Spokane le lendemain dimanche à 7 h. du matin  ; mais le retard imprévu dont je viens de parler modifia notre itinéraire. Le train qui nous portait ne quitta la gare de Billings qua 7 h. du soir, et au lieu d’arriver à Spokane, à 7 h. du matin nous étions seulement à Missoula.