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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/252

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LIVRE III. — CHAPITRE II.

témoignages précis nous le représentent comme le sceptique par excellence. Mais d’autres, non moins certains, nous font voir en lui un dogmatiste, partisan des théories d’Héraclite. Essayons, sans nous promettre d’y réussir, d’élucider ces questions ; il s’agit, avant d’indiquer ce que nous pouvons savoir de son œuvre, de chercher ce que nous connaissons de sa vie et de ses écrits.


I. Ænésidème naquit à Gnosse[1] en Crète, ou peut-être à Ægé[2] ; il enseigna à Alexandrie[3], on ne sait à quelle époque. Dans une période de 210 ans (de 80 av. J.-C. à 130 ap. J.-C.) on ne peut lui assigner une place avec certitude. Quelques historiens le font vivre vers 130 ap. J.-C. ; d’autres au commencement de l’ère chrétienne ; d’autres enfin voient en lui un contemporain de Cicéron. Examinons les raisons qu’on peut donner à l’appui de chacune de ces opinions.

Maccoll[4] choisit la date de 130 après J.-C. sans s’appuyer sur d’autres textes que celui d’Aristoclès dans Eusèbe[5], où Ænésidème est représenté comme ayant vécu récemment, ἐχθὲς καὶ προώην. Mais, outre que cette théorie ne tient pas compte des autres textes qu’on verra plus loin, elle a le tort d’attacher une importance excessive à l’expression d’Aristoclès. Si le mot ἐχθὲς καὶ προώην peut désigner une période d’au moins soixante-dix ans, car Aristoclès vécut à la fin du iie siècle de l’ère chrétienne, et peut-être au iiie pourquoi ne désignerait-il pas aussi bien une période de cent cinquante ans, ou même une plus longue ? Il faut remarquer d’ailleurs qu’Aristoclès oppose Ænésidème à Pyrrhon, mort depuis longtemps : et par rapport à ce dernier, la tentative d’Ænésidème pour renouveler le scepticisme pouvait lui paraître récente.

  1. Diog., IX, 116.
  2. Photius, Myriobiblon, cod. 212.
  3. Aristoclès, ap. Euseb. Præp. Evang., XIV, xviii, 29.
  4. Op. cit., p. 69.
  5. Præp. Evang., XIV, xviii, 29 : Μηδενὸς δ’ἐπιστραφέντος αὐτῶν, ὡς εἰ μηδέ ἐγένοντο τὸ παράπαν, ἐχθὲς καὶ πρώην ἐν Ἀλεξανδρείᾳ τῇ κατ’Αἴγυπτον Αἰνησίδημός τις ἀναζωπυρεῖν ἤρξατο τὸν ὕθλον τοῦτον.