CHAPITRE II.
SOCRATE ET LES SOCRATIQUES.
I. Socrate a été l’adversaire acharné des sophistes ; longtemps on a cru qu’il n’y avait rien de commun entre eux et lui et qu’il était leur opposé en toutes choses. Certains historiens modernes ont changé tout cela : Hegel[1] trouve que Socrate ressemble aux sophistes ; Grote[2] estime que les principaux sophistes ressemblent à Socrate ; en fin de compte, Socrate ne serait que le plus illustre des sophistes. Socrate, dit Hegel, n’est pas sorti de terre tout à coup comme un champignon ; il est en parfaite continuité avec son temps. Comme les sophistes, il renonce à expliquer le monde ; il se place au point de vue subjectif. — Si, dit Grote, dans le milieu de la guerre du Péloponèse, on eût demandé à un Athénien quelconque : Quels sont les principaux sophistes de votre cité ? Il eût certainement nommé Socrate parmi les premiers.
Sans entrer ici dans une discussion qui nous écarterait trop de notre sujet, nous devons signaler ce qu’il y a d’exagéré dans ces opinions. S’il y a quelques analogies entre les sophistes et leur illustre contemporain, les différences sont bien plus nombreuses et plus importantes[3] Assimiler Socrate même à Protagoras et à Gorgias, c’est à la fois lui faire une injure imméritée et commettre une grave erreur historique. Quels que soient les