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MÉNODOTE ET SEXTUS EMPIRICUS.

Les trois ou, si on réunit les deux derniers sous un même titre, les deux ouvrages de Sextus présentent entre eux les plus étroites analogies. Ils sont écrits dans le même esprit et renferment les mêmes arguments, exprimés quelquefois dans les mêmes termes. On peut dire que le second est la continuation du premier ; plus exactement, dans le Πρὸς μαθηματικούς l’auteur reprend et développe les arguments qu’il n’avait qu’indiqués dans les deux derniers livres des Hypotyposes. Ce dernier ouvrage est une sorte d’abrégé du scepticisme, écrit peut-être à l’usage des commençants.

Ces deux ouvrages sont un vaste répertoire de tous les arguments dont les sceptiques s’étaient servis contre leurs adversaires. Il semble que l’auteur se soit proposé pour but de n’en omettre aucun, de ne laisser perdre aucune parcelle de l’héritage de ses devanciers. Sur chaque point, au risque de se répéter cent fois, il reprend un à un tous les griefs qu’on peut formuler contre les dogmatistes. Il réfute le dogmatisme sur les questions générales ; il le réfute encore sur les questions particulières, bien qu’il sache et dise que la première réfutation suffit. Il ne fait grâce d’aucun détail. Parfois, il semble s’apercevoir de ce que sa méthode a de fastidieux et de rebutant ; il annonce l’intention d’abréger, d’éviter les redites, mais sa manie est plus forte que sa volonté, et bientôt il retombe dans son péché d’habitude. Une seule réfutation sur chaque point particulier ne le contente pas ; il en écrira dix, il en écrira vingt, s’il le peut : il ramasse tout ce qu’il trouve, entasse les arguments sur les arguments ; à vrai dire, il compile. Dans l’ardeur qui l’anime, dans sa fureur de destruction contre toutes les thèses dogmatiques, tout lui est bon : il prend de toutes mains, il fait flèche de tout bois. À côté d’arguments très profonds, d’objections sérieuses et de grande portée, on trouve des sophismes ridicules ; on passe brusquement de l’intérêt et de la curiosité mêlée d’admiration qu’éveillent toujours, même quand on ne les partage pas, les idées d’un esprit puissant et pénétrant, à l’impatience et à l’irritation que donnent les disputeurs sans bonne foi. Il n’est pas toujours dupe