Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
L’EMPIRISME. — PARTIE CONSTRUCTIVE.

γενομένου, Arist. ; μνήμη τῶν πολλάκις ὡσαύτως, Empir.), s’achève par la comparaison des semblables (ἡ τοῦ ὁμοίου θεωρία), Arist.[1] ; ἡ τοῦ ὁμοίου μετάβασις, Empir.). La science, ou l’art, est définie par Aristote : πόλλα τῆς ἐμπειρίας ἐννοήματα[2] ; par les empiriques : πόλλαι ἐμπειρίαι.

Est-il possible de faire encore un pas de plus et de trouver avant Aristote les premiers linéaments de ia méthode empirique ? Les documents nous font défaut, et il faut borner là nos recherches[3].

Mais si la méthode empirique, envisagée en ce qu’elle a d’essentiel, est fort ancienne, il est un point que les historiens de la philosophie n’ont pas assez mis en lumière : c’est que Ménodote paraît être le premier qui ait donné à cette méthode une précision et une rigueur scientifique. Jusqu’à lui, il semble bien que les empiriques se soient contentés d’indications un peu vagues et sommaires ; ils faisaient grand cas de l’observation, mais ne dépassaient guère ce que Bacon appelle experientia vaga. La grande place que Ménodote tient dans le De subfiguratione empirica de Galien donne à penser que c’est d’après lui que Galien décrit la méthode empirique[4]. En tout cas, plusieurs des corrections les plus importantes apportées à cette méthode lui sont formellement attribuées. C’est Ménodote qui prescrit de soumettre à une critique attentive les renseignements historiques, au lieu de les admettre tous indistinctement sur la foi du pre-

  1. Top., I, XVI, 8.
  2. Métaph., I, I, 5.
  3. On peut admettre, avec Philippson (p. 55), qu’Aristote ayant attribué par voie de conséquence à Démocrite cette doctrine que les apparences sensibles sont vraies (ce que lui-même n’aurait pas admis) (cf. Zeller, t.  I, p. 822), Nausi­phanes s’appropria cette manière de voir, qui fut aussi par la suite celle d’Épicure.

    Natorp (op. cit., p. 147 et seq.) retrouve chez Platon lui-même nombre de passages (notamment Gorg., 501, A., et Rep., VII, 516, C.) où il est fait allusion à une sorte d’empirisme. Avec beaucoup de subtilité et d’ingéniosité, Natorp fait remonter jusqu’à Protagoras l’origine de la méthode empirique. Tout ce que nous pouvons lui accorder, c’est que Protagoras a eu le pressentiment de ce que devait être cette méthode. Rien n’autorise à lui attribuer sur ce point des vues précises et des idées arrêtées comme celles qu’on trouve chez les empiriques.

  4. Natorp (p. 156) incline vers la même opinion.