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LIVRE I. — CHAPITRE IV.

Si plausible qu’elle soit, cette reconstitution ne repose, de l’aveu de son auteur, que sur une conjecture : ce qui est certain, c’est que Timon parlait des philosophes sur le ton le plus méprisant et le plus injurieux. On voit par là combien il est loin de Pyrrhon. Son maître dédaignait les philosophes parce qu’ils se contredisent : Timon les outrage.

Il y a quelque analogie entre ses procédés et ceux des cyniques. Antisthène et Diogène estimaient aussi que la science est inutile[1] ; ils critiquaient les ἐγχύκλια μαθήματα[2] et criblaient de leurs épigrammes les dogmatistes. Eux aussi se plaisaient aux parodies[3]. Sans doute, Timon est avant tout un sceptique ; mais ce qu’on vient de voir montre qu’il y a aussi quelque chose de la manière grossière et insultante des cyniques chez l’ancien saltimbanque.

Il nous reste aussi quelques fragments (treize vers) du livre de Timon intitulé : les Images (Ἰνδαλμοί)[4]. Vraisemblablement le passage conservé par Diogène était le commencement du poème : Timon demandait à son maître Pyrrhon le secret de cette sagesse qui relevait au-dessus de tous les autres hommes, et permettait à ses disciples enthousiastes de le comparer au soleil. Pyrrhon répondait ensuite à cette question : et nous avons aussi le commencement de sa réponse[5] Il nous paraît évident (au-

  1. Diog., VI, 103.
  2. Diog., VI, 104.
  3. Wachsmuth, loc. cit., p. 36.
  4. Diog., IX, 65

    Τοῦτό μοι, ὦ Πύρρων, ἱμείρεται ἦτορ ἀκοῦσαι
         πῶς ποτ’ ἀνὴρ ἔτ’ ἄγεις πάντα μεθ’ ἡσυχίης
    μοῦνος δ’ ἀνθρώποισι Θέου τρόπον ἡγεμονεύεις
         ὅς περὶ πᾶσαν ἐλῶν γαῖαν ἀναστρέφεται
    δεικνὺς εὐτόρνου σφαίρης πυρικαύτορα κύκλον
    .

    Les deux derniers vers sont cités par Sextus, M., I, 305 : ils sont évidemment la suite des premiers.

  5. Sext., M., XI, 20.

    Ἦ γὰρ ἐγὼν ἐρέω ὥς μοι καταφαίνεται εἶναι,
         μῦθον ἀληθείης ὀρθὸν ἔχων κανόνα,
    ὡς ἡ τοῦ Θείου τε φύσις καὶ τ’ ἀγαθοῦ αἰεὶ
         ἐξ ὧν ἰσότατος γίνεται ἀνδρὶ βίος