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ce mari, de nature nerveuse, jalouse, son existence pouvait fort bien n’être qu’un long martyre.

Huguet disait : Pourquoi procréer des êtres légitimes, se charger de famille et de devoirs, risquer son indépendance, troquer son célibat contre les désagréments du ménage, lorsque aucune nécessité ne vous y contraint ?

Edmond douta de ses convictions, de ses appétences de vie conjugale. Néanmoins il ne mettait pas toutes les femmes sur le même rang ; il se plaisait à croire aux exceptions, et, naturellement, Louise Thomé devait y figurer.

Orgueilleuse à l’excès, pensait-il, sa fierté est une sauvegarde. Mais sur quel pied vivre, si la susceptibilité aiguë de la femme souffre de l’autorité de l’homme ? si les intentions sont, parfois, injustement interprétées ? s’il y a un manque de passivité chez l’un ou chez l’autre, et que la femme n’ait pas l’indulgence qui doit faire la base même de son dévouement.

Il comparait, dans le mariage, l’emboîtement des caractères à la greffe des jardiniers. Les parties de cette greffe étant bien cohérentes, avec le genre de famille et l’époque qui lui conviennent, elle porte de beaux fruits. Et le mariage n’était trop souvent qu’une greffe malheureuse !

Le soir, en rentrant rue des Martyrs, le jeune homme trouva Éva qui l’attendait chez son portier.

Plusieurs fois, déjà, une impatience l’avait saisi à la vue de cette fille, car elle venait fréquemment, abusait de sa complaisance, savait imposer ses visites, câline, insinuante, pleine de prévenances.

Elle déplaisait souverainement au jeune homme en lui offrant un résumé des mauvais côtés de la femme, trop évidents.