Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/343

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l’immoralité de la mesure, des capitaines puritains exigeaient parfois que les visiteuses prissent le nom de cousines ou de sœurs.

Pour moi, qui me destinais depuis longtemps à la marine, cette position n’eût eu rien de répugnant si je n’eusse été contraint, et si je n’eusse eu en perspective l’esclavage dont on me menaçait ; ajoutez à cela les mauvais traitements du maître d’équipage, qui ne pouvait me pardonner ma première incartade. À la moindre fausse manœuvre, les coups de corde pleuvaient de manière à faire regretter le bâton des argousins du bagne. J’étais désespéré ; vingt fois il me vint dans l’idée de laisser tomber des hunes, une poulie de drisse sur la tête de mon persécuteur, ou bien encore de le jeter à la mer quand je serais de quart la nuit. J’eusse certainement exécuté quelqu’un de ces projets, si le lieutenant, qui m’avait pris en amitié, parce que je lui enseignais l’escrime, n’eût un peu adouci ma position. Nous devions d’ailleurs être incessamment dirigés sur Helwotsluis, où était mouillé le Heindrack, de l’équipage duquel nous devions faire partie ; dans le trajet, on pouvait s’évader.

Le jour du transbordement arrivé, nous embarquâmes