Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/90

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mille, ni la fortune, ni les antécédents, il y avait là de quoi rendre les plus confiants incrédules. Devais-je, d’ailleurs, m’engager dans une fourberie qui devait tôt ou tard se découvrir et me perdre ? N’étais-je pas, enfin, bien et dûment marié à Arras. Ces objections et plusieurs autres, que me suggérait une sorte de remords de tromper l’excellente femme qui me comblait d’amitiés, n’arrêtèrent pas un instant mon interlocuteur. Voici comment il y répondit :

« Tout ce que tu me dis là est fort beau ; je suis tout-à-fait de ton avis, et pour suivre mon penchant naturel pour la vertu, il ne me manque que dix mille livres de rente. Mais je ne vois pas la raison de faire ici le scrupuleux. Que veut la baronne ? un mari, et un mari qui lui convienne. N’es-tu pas ce mari-là ? N’es-tu pas dans l’intention d’avoir pour elle toute sorte d’égards, et de la traiter comme quelqu’un qui nous est utile, et dont nous n’avons jamais eu à nous plaindre. Tu me parles d’inégalités de fortune ; la baronne n’y tient pas. Il ne te manque donc pour être son fait, qu’une seule chose : des titres ; eh bien ! je t’en donne… Oui, je t’en donne !… Tu as beau me regarder avec de grands yeux,