Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/228

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matin, on me fait prier de passer rue de l’Échiquier : je m’y rends, et au fond d’une cour, dans un rez-de-chaussée assez propre quoique médiocrement meublé, je revois, non seulement ma femme, mais encore, ses nièces et leur père, le terroriste Chevalier, qui venait de subir une détention de six mois, pour vol d’argenterie : un coup d’œil suffit pour me convaincre que c’était une famille qui me tombait sur les bras. Tous ces gens-là étaient dans le plus absolu dénuement ; je les détestais, je les maudissais, et pourtant je n’avais rien de mieux à faire que de leur tendre la main. Je me saignai pour eux. Les réduire au désespoir, c’eût été me perdre, et plutôt que de revenir en la puissance des argousins, j’étais résolu à faire le sacrifice de mon dernier sou.

À cette époque, il semblait que le monde entier se fût ligué contre moi ; à chaque instant il me fallait dénouer les cordons de ma bourse, et pour qui ? pour des êtres qui, regardant ma libéralité comme obligatoire, étaient prêts à me trahir aussitôt que je ne leur paraîtrais plus une ressource assurée. Quand je rentrai de chez ma femme, j’eus encore une preuve du malheur attaché à la condition de forçat évadé : Annette