Page:Vidocq - Mémoires - Tome 3.djvu/91

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autre agent secret, le nommé Riboulet, arsouille consommé, que toutes les houris de la guinche (de la guinguette) revendiquaient comme leur chevalier, bien qu’il donnât aussi dans les cotonneuses (fileuses de coton) qui voyaient en lui le plus agréable des faubouriens. Pour l’excursion projetée, une femme était un bagage indispensable ; Riboulet avait sous la main celle qui nous convenait, c’était sa maîtresse en titre, une fille publique nommée Manon la Blonde, qu’il avait pris l’engagement de faire respecter. En deux coups de temps elle eût fait un polisson de ses bas de laine, serré les cordons de taille de sa robe écarlate, passé son schall gris angora à bordure blanche, chaussé ses galoches à panoufles, rejoint ses cheveux, et donné au fichu dont elle recouvrait son chef cet aspect de crânerie qui n’est pas obligatoire pour le négligé, Manon était à la joie de son cœur de faire le panier à deux anses.

Nous nous acheminons ainsi, bras dessus bras dessous, vers la Courtille. Arrivés au cabaret, nous commençons par nous attabler dans un coin, afin d’être plus à portée d’examiner ce qui se passe. Riboulet était un de ces hommes dont la seule présence commande l’empressement, il n’avait pas parlé, ni moi non plus que