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ENFANCE ET PREMIÈRE JEUNESSE.

avait été prévu, en effet ; tout, sinon le dévouement sublime de ces vénérables prêtres : « Non, répond l’un d’eux, l’abbé de Keranran, proviseur de Navarre ; non ! Nous ne quitterons pas nos frères. Notre délivrance rendrait leur perte plus certaine ! »

Les supplications de Geoffroy Saint-Hilaire ne purent vaincre leur résolution[1]. Il sortit, plein de regrets, suivi d’un seul ecclésiastique qu’il ne connaissait pas.

Dans la même journée, le massacre, qui, vers trois heures, avait commencé aux Carmes et à l’Abbaye, devint général. De sa fenêtre, Geoffroy Saint-Hilaire vit frapper plusieurs victimes : il vit, et cet horrible spectacle lui est toujours resté présent, il vit précipiter d’un second étage un vieillard qui n’avait pas répondu à l’appel, soit qu’il eût voulu se cacher, soit peut-être qu’il fût sourd !

  1. Presque au même moment où ces vénérables ecclésiastiques refusaient de quitter Saint-Firmin, d’autres prêtres, aux Carmes, se sacrifiaient aussi à leurs frères. « Quelques-uns, dit Peltier (Récit de la révolution du 10 août), purent se sauver en escaladant les murs… ; mais pensant que leur absence pourrait faire massacrer leurs compagnons, ils rentrèrent, à l’exception d’un petit nombre. » Ce trait, fort peu connu, est étranger à notre sujet ; mais on nous pardonnera de le citer ici. Il est impossible de reporter sa pensée sur les horribles journées de septembre, sans ressentir le besoin de la reposer sur quelques-uns des actes de vertu et de dévouement qui brillèrent au milieu de tous les crimes de cette époque néfaste de notre histoire.