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LE MAUVAIS RICHE



C’était un poète glorieux et très beau qui causait :

— Il vous a plu, dolents comparses de mes jours sombres, à vous surtout, complices bien chères de mes nuits blanches, de manifester à maintes reprises, d’un étonnement, saugrenu peut-être, en constatant que, parmi vous, lorsque je cesse de regarder en moi-même, — lassitude, lâcheté ou mépris — lorsque je vis, en un mot, je ne suis pas, moi non plus, exempt de ces tares un peu mesquines, de ces qualités ou de ces défauts… inférieurs, disons simplement secondaires, dont votre modestie congrue voulait vous parer sans partage. Mon Dieu oui ! je le reconnais aisément, mieux encore, je le formulerai, s’il vous plaît, excellents amis, dans cette langue (notre apanage à nous autres faiseurs de vers), de la sorte suivante : Quand l’Ange en partance bat d’une blanche aile meurtrie devant la Bête déchaînée, rien alors, ne me différencie du pire d’entre vous.

Car, fourbe, vil, féroce, il vous est apparu que je puis l’être, n’est-ce pas ? avec quelque succès ; d’aucuns m’en gardent probablement et soigneusement une dent comme vous dites, celle-là même que je leur ai enfoncée en vive chair ; vous, mesdemoiselles, qui consentez parfois, après de préalables et laborieuses négociations, à nous honorer de vos actuelles et jamais dernières faveurs, vous avez raconté, sans jamais parvenir à les exagérer, nos farces moroses, pendant les heures que, soyons pudibonds ! nous avons passées ensemble.

Cela et le reste. Je crois inutile d’insister davantage. Je prêche à des gens convaincus, autant que moi, de ce fait-ci : vous échappant par le haut, vous distançant par le bas, il est des points médians et banalement humains, où je vous rejoins d’absolue façon.

Prenons, afin de fixer vos idées, celui de ces traits qui nous