Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/217

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mouvement instinctif elles séparèrent leurs jupes. Ce geste rapide leur fit tourner à demi la tête, et, malgré l’ombre des grands chapeaux de paille, leurs regards se rencontrèrent une seconde.

Ceux de Mme de Morelay devinrent soudain plus secs et plus froids qu’un miroir d’acier, tandis que ceux de sa voisine se baissèrent. La comtesse fit un second mouvement pour ramener sa jupe encore davantage, et se retourna vers son mari, à qui elle parla du paysage avec affectation et à voix haute. L’autre femme devint rouge, puis pâle, traça des hiéroglyphes sur la poussière du bout de son ombrelle, pour se donner une contenance, enfin, reprit le bras de son compagnon, et quitta la place.

C’était une amie de pension de Mme de Morelay, Mme Amélie de Braciennes, qui, depuis deux ans, avait quitté son mari et voyageait en Italie avec le vicomte d’Aury.

L’orgueilleuse comtesse, d’un geste bien rapide, et peut-être plus spontané que volontaire, venait de mettre, entre elle et son amie déchue, une infranchissable distance.

Jamais elle n’avait failli, et elle ne comprenait pas qu’on pût faillir. Jamais la tentation puissante ne l’avait menée au bord de l’abîme pour lui en mon-