Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/302

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les vers de Pietro. Elle aurait voulu avoir la puissance des fées pour enlever cette statue, l’emporter et la cacher à tous les yeux.

Peut-être serait-elle restée longtemps en contemplation, si un jeune homme n’eût ouvert, en chantant, la porte de l’atelier, et ne fût venu s’installer au travail.

L’arrivée de cet inconnu choqua d’abord Mme de Morelay, en la forçant d’interrompre son rêve extatique ; mais ensuite son cœur se mit à battre violemment. Ce jeune homme, qui s’offrait tout à coup à sa vue et à ses questions, n’était-ce pas la voix indifférente qu’elle venait chercher et interroger ? n’était-ce pas celle qui allait nommer le poëte ?… Elle hésita encore… Elle eut l’idée de s’enfuir sans parler…

« Quelle folie ! pensa-t-elle ; quelle faiblesse !… »

Puis, d’une voix tremblante :

— Monsieur, dit-elle, je regarde depuis un instant cette statue d’Apollon ; pourriez-vous me dire si c’est un portrait ?

Le jeune homme se retourna, salua, s’excusa en français de ne pas avoir aperçu, en entrant, son interlocutrice ; puis il se fit répéter la question.

Mme de Morelay rougit en entendant parler sa langue maternelle. Par un effet singulier de pudeur instinctive, elle se trouva cent fois plus confuse de-