Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/182

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Nous étions tous marins. Plus de soldats timides
Qui chancellent à bord ainsi que des enfants ;
Ils marchaient sur leur sol, prenant des Pyramides,
Montant des éléphants.

Il faisait beau. — La mer, de sable environnée,
Brillait comme un bassin d’argent entouré d’or ;
Un vaste soleil rouge annonça la journée
Du quinze Thermidor.

La Sérieuse alors s’ébranla sur sa quille :
Quand venait un combat, c’était toujours ainsi ;
Je le reconnus bien, et je lui dis : Ma fille,
Je te comprends, merci.

J’avais une lunette exercée aux étoiles ;
Je la pris, et la tins ferme sur l’horizon.
— Une, deux, trois — je vis treize et quatorze voiles :
Enfin, c’était Nelson.

Il courait contre nous en avant de la brise ;
LA Sérieuse à l’ancre, immobile s’offrant,
Reçut le rude abord sans en être surprise,
Comme un roc un torrent.

Tous passèrent près d’elle en lâchant leur bordée ;
Fière, elle répondit aussi quatorze fois,
Et par tous les vaisseaux elle fut débordée,
Mais il en resta trois.