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la prison

Que je ne chercherai ni parents ni vengeurs ;
Et, si l’on me demande où j’ai passé ma vie,
Je saurai déguiser ma liberté ravie ;
Votre crime est bien grand, mais je le cacherai[1].
Ah ! laissez-moi le Ciel, je vous pardonnerai[2].
Non… toujours des cachots… Je suis né votre proie…
Mais je vois mon tombeau, je m’y couche avec joie[3].
Car vous ne m’aurez plus, et je n’entendrai plus
Les verrous se fermer sur l’éternel reclus[4].
Que me veut donc cet homme avec ses habits sombres[5] ?
Captifs morts dans ces murs, est-ce une de vos ombres ?
Il pleure. Ah ! malheureux, est-ce ta liberté ?

le prêtre.

Non, mon fils, c’est sur vous ; voici l’éternité.

le mourant.

À moi ! je n’en veux pas ; j’y trouverais des chaînes[6].

le prêtre.

Non, vous n’y trouverez que des faveurs prochaines.


    demeure ne tiendrait pas plus à la terre que notre vie. — Atala : Qu’une hutte avec Atala sur ces bords eût rendu ma vie heureuse !… là avec une épouse, inconnu des hommes, cachant mon bonheur au fond des forêts, j’aurais passé comme ces fleuves qui n’ont pas même un nom dans le désert.

  1. Var : M, P1, A, J’inventerai des jours où je vous cacherai :
  2. Var : M, Même au fond de mon cœur (corr. : Ah ! laissez-moi le ciel)
  3. Var : M, P1, je suis ravi de joie.
  4. Var : P1, Les verrous
  5. Var v. 249-250 : M, P1, Que me veut donc cet homme avec sa robe sombre ? | De quelque prisonnier sans doute que c’est l’ombre ?
  6. Var : M, P1, Ô moi !