Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces détails, et de ne pas vous lire la chronique scandaleuse du moyen âge. Il nous restera un grand objet d’étude dans le génie de cette littérature méridionale, parente de la nôtre, et dans l’esprit nouveau d’indépendance qu’elle annonce, dès le xiie siècle, sur les grandes questions qui devaient agiter le xvie.

À côté de cette poésie des troubadours, s’élevait une autre poésie, moins vive, moins ingénieuse, autrement téméraire. Quelle que fût la conformité primitive de la langue romane du Midi et de celle du Nord, la séparation au xiie siècle était visible ; la langue des trouvères et la langue des troubadours offrent alors de grandes et curieuses différences dans les mots, comme dans les ouvrages. Une sorte de vivacité moqueuse, de raillerie satirique, anime aussi la langue des trouvères ; mais au lieu d’éclater par des images brillantes et lyriques, d’avoir quelque chose de musical, comme les voix du Midi, l’esprit des trouvères est prosaïque et narquois ; c’est un conte au lieu d’une ode. Ici je crois voir un chevalier troubadour qui, du haut de son coursier, chante des vers de guerre ou d’amour ; là un bourgeois malin qui, dans les rues étroites de la cité, devise avec son compère, et se raille des choses dont il a peur. Dans l’œuvre des