Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’enorgueillir et s’animer. Après le Cid, un grand mouvement avait gagné les imaginations, sans qu’un grand poëte se fut détaché de la foule. Le peuple, pour ainsi dire, avait été poëte ; et une foule de talents anonymes avaient travaillé sans se connaître. Cependant quelques chroniqueurs espagnols attireront vivement notre attention et pourront être compares aux historiens d’Italie. Alaya n’est pas inférieur au célèbre Villani, et dans le xve siècle la vie dramatique d’Alvar de Luna a été retracée avec un rare talent par Castellanos.

C’est dans les chroniques et les romances espagnoles que l’on voit bien tout ce que la langue nationale met de vérité dans la peinture du moyen âge. Les récits latins sont menteurs par la forme, à moins qu’ils ne soient très-barbares, et que leur barbarie, simulant la vie rude de ce temps, ne laisse percer les mouvements de l’idiome vulgaire. Les vieux monuments en langue espagnole montrent seuls à nu et avec une admirable vivacité de couleur cette vie chrétienne du moyen âge entremêlée à la vie arabe, cette ardeur religieuse, et en même temps cette tolérance née d’une sorte de générosité chevaleresque, et qui céda plus tard à la cruauté politique. Le roi don Sanche malade va se confier à