Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiers, de Bordeaux, de Toulouse, parlait la langue latine élégamment ; il se faisait envoyer en mission à l’empereur ; il adressait un discours au préfet ; il concourait pour ces jeux littéraires que Juvénal a rappelés :

{{c|Aut lugdunensem rhelor dicturus ad aram.

Quelquefois il était nommé sénateur. César, qui n’était pas scrupuleux, amena, comme vous le savez, un jour à Rome une centaine d’officiers gaulois qui avaient fait la guerre avec lui, et dont il fit tout de suite des sénateurs, afin d’avoir la majorité. Rien de plus connu que ce fait historique.

Je crois donc que toute la classe noble, parmi les peuples vaincus, apprit correctement la langue latine, et oublia presque la sienne : le grand nombre d’écrivains nés en Espagne et en Gaule, pendant les iie, iiie siècle, ive et ve siècles, en sont une preuve ; mais vous concevez qu’il n’en était pas de même du peuple. Il apprenait le latin, comme il pouvait ; il était bien obligé de le savoir, puisque les ordres du maître étaient toujours promulgués dans cette langue. Cependant il gardait quelque souvenir de la sienne, ou, quand il parlait la langue latine, il l’altérait à sa manière. Je vais vous dire, à cet égard