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Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/104

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bruit du bâton qu’il entendait convainquirent le vieillard qu’il avait devant lui, non un être surnaturel, mais un homme. Il le laissa approcher et alors sortant brusquement de l’ombre qui l’avait celé : « Que fais-tu là, brutal ? dit-il en reconnaissant l’invisible solitaire. Pourquoi viens-tu détruire les bénédictions que Bouddha a répandues sur son indigne serviteur ? — Je me venge sur mon ennemi du mal qu’il m’a fait, répondit le farouche. Le toit de mon père, fait de la maudite paille de ce grain, a pris feu pendant une nuit de la huitième lune dernière, sans que personne ait jamais su comment. Le vieux, qui était paralysé, a été brûlé en quelques instants. Moi non plus, je n’avais fait aucun mal au dieu des moissons. Voilà pourquoi je me venge de lui en détruisant le riz múr. — Tu méconnais les dictées de la Sagesse du Ciel, répliqua le vieux bonze, autant que celles de la raison, en frappant une chose qui ne saurait avoir de responsabilité. Il y a longtemps d’ailleurs que le riz a éteint la dette contractée par la paille, en te fournissant sa graine, sans laquelle tu serais mort. C’est toi qui lui es doublement redevable et tu ne pourras t’acquitter qu’en redoublant de piété envers les dieux de la terre et de la moisson. »

— « C’est bien parlé », dit la reine en remerciant de la main la conteuse et en lui lançant un petit sachet de soie rouge, qu’elle reçut en se prosternant de nouveau et en se retirant. « Mais », ajouta-t-elle en se penchant vers le prince royal, « parfois le crime inexpiable d’une femme est de devenir mère ! »

Pendant ce temps, une nouvelle conteuse était entrée, avait salué et commencé son récit qu’elle modulait en cantilène :

L’ennemi des arbres « tan ».

Aux temps lointains, où sous l’empereur Tao, le peuple de Chosen (la Corée) venait de se donner pour roi le Fils du