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Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/107

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« Tu n’as pas pensé, lui répondit Dan-Koun, qu’en abattant les bois tu détruisais l’abri des oiseaux, qui sauvent pour l’homme l’œuvre bienfaisante de la force productrice de la nature ; que tu privais les champs du bienfait des pluies fréquentes et du passage de cours d’eau réguliers ; et que tu condamnais les hommes à retourner vivre dans les cavernes, faute de charpentes pour faire des maisons, et de branchages pour alimenter pendant l’hiver les poèles qui les rendent habitables.

— « Tu es l’ennemi des arbres « tan ! » Mais, sot que tu es, l’espèce entière peut-elle être tenue coupable des méfaits d’un seul individu ? Et tous les arbres que tu tuais, avaient-ils été complices de l’arbre du Poukhan ? Parce qu’il y a des méchants, voudrais-tu frapper de mort toute l’humanité ?

« Si tu te crois le droit d’exercer une vengeance, vise seulement ton ennemi : mais, pour l’atteindre, ne commets pas l’horrible crime de sacrifier toute une foule, où tu n’es même pas sûr qu’il se trouve.

« Tu ne savais pas, et dans ton ignorance, tu n’as fait de mal qu’aux choses qui ne sentent pas. Celui que tu voulais atteindre a le droit de te pardonner et te pardonne.

« Va donc, et souviens-toi désormais, pour répandre autour de toi les bienfaits de la sagesse, qu’il est contraire à la volonté du Ciel de faire souffrir sans nécessité même une bête et de détruire, en surplus de tes besoins, l’œuvre de la nature. »

— « Tu n’es pas une politique, ma fille », dit la reine en récompensant comme la première la seconde conteuse, « et le père de Sa Majesté a eu raison de ne pas t’appeler en ses conseils. »

La nuit était déjà fort avancée ; la première heure du 8 octobre était finie, et la lune à son dernier quartier suspendait son croissant dentelé haut au-dessus de l’horizon.