Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/156

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apparaître d’un instant à l’autre !… Poursuivis par les cavaliers perses ! — Et, mettant la main sur ses yeux, le cuisinier s’écria qu’il les apercevait dans la brume !…

Un cri domina toutes les rumeurs. Il venait d’être poussé par un vieillard et une grande femme. Tous deux, cachant leurs visages interdits, avaient prononcé ces paroles horribles : « Mon fils ! »

Alors, un ouragan de clameurs s’éleva. Les poings se tendirent vers le fuyard.

— Tu te trompes. Ce n’est pas ici le champ de bataille.

— Ne cours pas si vite. Ménage-toi.

— Les Perses achètent-ils bien les boucliers et les épées ?

— Éphialtès est riche.

— Prends garde à ta droite ! Les os de Pélops, d’Héraklès et de Pollux sont sous tes pieds. — Imprécations ! Tu vas réveiller les mânes de l’Aïeul, — mais il sera fier de toi.

— Mercure t’a prêté les ailes de ses talons ! Par le Styx, tu gagneras le prix, aux Olympiades !

Le soldat semblait ne pas entendre et courait toujours vers la Ville.

Et, comme il ne répondait ni ne s’arrêtait, cela exaspéra. Les injures devinrent effroyables. Les jeunes filles regardaient avec stupeur.

Et les prêtres :

— Lâche ! Tu es souillé de boue ! Tu n’as pas embrassé la terre natale ; tu l’as mordue !