Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/162

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professeur de Chapeau-chinois, passé maître en son art, et je sais qu’il existe encore !

Ce ne fut qu’un cri. Les cymbales apparurent comme un sauveur ! Le chef d’orchestre embrassa son jeune séide (car les cymbales étaient jeunes encore). Les trombones attendris l’encourageaient de leurs sourires ; une contrebasse lui détacha un coup d’œil envieux ; la caisse se frottait les mains : — « Il ira loin ! » grommelait-elle. — Bref, en cet instant rapide, les cymbales connurent la gloire.

Séance tenante, une députation, qu’elles précédèrent, sortit de l’Opéra, se dirigeant vers les Batignolles, dans les profondeurs desquelles devait s’être retiré, loin du bruit, l’austère virtuose.

On arriva.

S’enquérir du vieillard, gravir ses neuf étages, se suspendre à la patte pelée de sa sonnette et attendre, en soufflant, sur le palier, fut pour nos ambassadeurs l’affaire d’une seconde.

Soudain, tous se découvrirent : un homme d’aspect vénérable, au visage entouré de cheveux argentés qui tombaient en longues boucles sur ses épaules, une tête à la Béranger, un personnage de romance, se tenait debout sur le seuil et paraissait convier les visiteurs à pénétrer dans son sanctuaire.

— C’était lui ! L’on entra.

La croisée, encadrée de plantes grimpantes, était ouverte sur le ciel, en ce moment empourpré des merveilles du couchant. Les sièges étaient rares : la couchette du professeur remplaça, pour les délégués