Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ses consultations sont de deux à quatre. Et quel homme affable ! charmant ! irrésistible ! — Vous pénétrez dans son cabinet, pièce décorée avec cette ornementation sévère qui convient à la Science. Pour tout objet de luxe, vous apercevez une botte d’oignons appendue au-dessous d’un buste d’Hippocrate, pour indiquer aux personnes sentimentales qu’elles pourront se procurer, au besoin, des larmes de gratitude après succès.

Chavassus vous indique un fauteuil scellé dans le parquet. À peine y êtes-vous commodément installé, que de brusques crampons, pareils à des griffes de tigre, paralysent, à l’instant même, chez vous, le plus léger mouvement. — Le Docteur, alors, vous regarde pendant quelque temps, bien en face, en haussant les sourcils, en poussant sa joue avec sa langue et un cure-dents à la main, vous témoignant, ainsi, du violent intérêt que vous lui inspirez.

— Avez-vous eu souvent l’oreille basse, dans la vie ? vous demande-t-il.

— Mais… comme tout le monde, aujourd’hui, répondez-vous, gaiement. — Souventes fois, pour me distraire.

— Espérez, en ce cas, reprend le Docteur. Ce sont des échos ; mon ami ; ce ne sont pas des Voix que vous avez entendues.

Et soudain, se précipitant sur votre oreille, il y colle sa bouche. Puis, avec une intonation d’abord lente et basse, mais qui ne tarde pas à s’enfler comme le rugissement de la foudre, il y articule ce seul mot :