Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/106

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Le rais incandescent traversa le centre impressionné du verre par l’ouverture qui lui faisait face, ressortit, coloré, par l’autre jour qu’entourait le cône évasé d’un projectif, ― et, dans un vaste cadre, sur une toile de soie blanche, tendue sur la muraille, apparut alors, en grandeur naturelle, la lumineuse et transparente image d’une jeune femme, ― statue charnelle de la Venus Victrix, en effet, s’il en palpita jamais une sur cette terre d’illusions.

― Vraiment, murmura lord Ewald, je rêve, il me semble !

― Voici la forme où tu seras incarnée, dit Edison, en se tournant vers Hadaly.

Celle-ci fit un pas vers l’image radieuse qu’elle parut contempler un instant sous la nuit de son voile.

― Oh !… si belle !… Et me forcer de vivre ! ― dit-elle à voix basse et comme à elle-même.

Puis, inclinant la tête sur sa poitrine, avec un profond soupir :

― Soit ! ajouta-t-elle.

Le magnésium s’éteignit ; la vision du cadre disparut.

Edison étendit la main à la hauteur du front de Hadaly.

Celle-ci tressaillit un peu, tendit, sans une parole, la symbolique fleur d’or à lord Ewald, qui l’accepta, non sans un vague frémissement ; puis, se détournant, reprit, de sa même démarche somnambulique, le chemin de l’endroit merveilleux d’où elle était venue.

Arrivée au seuil, elle se retourna ; puis, élevant