Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/157

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genre de celle de son modèle ? N’y gagne-t-elle pas, au contraire ? Au moins, à vos yeux, puisque la « conscience » de miss Alicia Clary vous semble la superfétation déplorable, la Tache-originelle du chef-d’œuvre de son corps ? ― Et puis, la « conscience » d’une femme ! ― d’une mondaine, veux-je dire !… ― Oh ! oh ! comme vous y allez ! C’est une idée qui fut capable de faire hésiter un concile. Une femme ne discerne que selon ses velléités et se conforme, en ses « jugements » à l’esprit de celui qui lui est sympathique. ― Une femme peut se remarier dix fois, être toujours sincère et dix fois différente. ― Sa Conscience, dites-vous ?… Mais ce don de l’Esprit-saint, la Conscience, se traduit, tout d’abord, par l’aptitude à l’Amitié-intellectuelle. Tout jeune homme, qui, du temps des anciennes républiques, ne pouvait, à vingt ans, justifier d’un ami, d’un second lui-même, était déclaré sans conscience, infâme, en un mot. On cite, dans l’Histoire, mille exemples d’admirables amis : Damon et Pythias, Pylade et Oreste, Achille et Patrocle, etc. Citez-moi deux femmes amies, dans toute l’Histoire humaine ? Chose impossible. Pourquoi ? ― Parce que la femme se reconnaît trop inconsciente, en sa semblable, pour en être dupe jamais. ― Il suffit de remarquer, d’approfondir le regard dont une moderne, en se retournant, considère la robe de celle qui a passé auprès d’elle, pour en être à tout jamais persuadé. ― Parce qu’en elle, au point de vue passionnel, une vanité des vanités prime ou vicie intimement les meilleurs mobiles et qu’être aimée n’est (malgré toutes ses protestations) presque toujours que secondaire