Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/168

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Le demi-orbe qui formait le fond de la salle, en face du seuil, était comblé par de fastueux versants pareils à des jardins ; là, comme sous la caresse d’une brise imaginaire, ondulaient des milliers de lianes et de roses d’Orient, de fleurs des îles, aux pétales parsemés d’une rosée de senteur, aux lumineux pistils, aux feuilles serties en de fluides étoffes. Le prestige de ce Niagara de couleurs éblouissait. Un vol d’oiseaux des Florides et des parages du sud de l’Union chatoyait sur toute cette flore artificielle, dont l’arc de cercle versicolore fluait, en cette partie de la salle, avec des étincellements et des prismes, se précipitant, depuis la mi-hauteur apparente des murs circulaires, jusqu’à la base d’une vasque d’albâtre, centre de ces floraisons, et dans laquelle un svelte jet d’eau retombait en pluie neigeuse.

À partir du seuil jusqu’au point où, des deux côtés, commençaient les pentes de fleurs, les cloisons de basalte des murs (depuis le circuit de la voûte jusqu’aux pelleteries du sol) étaient tendues d’un épais cuir de Cordoue brûlé de fins dessins d’or.

Auprès d’un pilier, Hadaly, toujours long-voilée, se tenait debout et accoudée au montant d’un noir piano moderne aux bougies allumées.

Avec une grâce juvénile, elle adressa un léger mouvement de bienvenue à lord Ewald.

Sur son épaule, un oiseau de Paradis, d’une imitation non-pareille, balançait son aigrette de pierreries. Avec la voix d’un jeune page, cet oiseau semblait causer avec Hadaly dans un idiome inconnu.