Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/170

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À cet accueil inattendu, le jeune homme s’arrêta, considérant ce spectacle.

― Ce doit être, j’imagine, quelque hottée de démons que ce sorcier d’Edison a enfermés dans ces oiseaux-là ? pensa-t-il en lorgnant les rieurs.

L’électricien, resté dans l’obscurité du tunnel, achevait sans doute de serrer les freins de son ascenseur fantastique :

― Milord, cria-t-il, j’oubliais ! ― L’on va vous saluer d’une aubade. Si j’eusse été prévenu à temps de ce qui nous arrive à tous deux ce soir, je vous eusse épargné ce dérisoire concert en interrompant le courant de la pile qui anime ces volatiles. Les oiseaux de Hadaly sont des condensateurs ailés. J’ai cru devoir substituer en eux la parole et le rire humains au chant démodé et sans signification de l’oiseau normal. Ce qui m’a paru plus d’accord avec l’esprit du Progrès. Les oiseaux réels redisent si mal ce qu’on leur apprend ! Il m’a semblé plaisant de laisser saisir par le phonographe quelques phrases admiratives ou curieuses de mes visiteurs de hasard, puis de les transporter en ces oiseaux par voie d’électricité, grâce à une de mes découvertes encore inconnue là-haut. ― Du reste, Hadaly va les faire cesser. Ne leur accordez qu’une dédaigneuse attention pendant que j’amarre l’ascenseur. Vous comprenez, il ne faudrait pas qu’il nous jouât la mauvaise plaisanterie de remonter sans nous à la surface assez lointaine de la Terre.

Lord Ewald regardait l’Andréide.

La paisible respiration de Hadaly soulevait le pâle argent de son sein. Le piano, tout à coup,