Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/37

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tent à se risquer en une seconde expérience et, dit-il parfois, « au besoin dans une troisième », ― enfin, « jusqu’à ce que le procédé réussisse ! »

Le souvenir de tentatives analogues, maintes fois rénovées, eût constitué, disons-nous, dans l’esprit d’un visiteur, une impression suffisante pour légitimer le soupçon de quelque fatal essai d’une découverte nouvelle, à la vue de ce bras si radieux, ainsi détronqué.

Cependant, arrivé auprès de la table d’ébène, Edison considérait le pli télégraphique tombé entre deux doigts de cette main. Il toucha le bras, tressaillit, comme si une idée soudaine lui eût traversé l’imagination.

― Tiens, murmura-t-il, si, par hasard, c’était ce voyageur qui doit éveiller Hadaly !

Le mot « éveiller » fut prononcé par l’électricien avec une sorte d’hésitation tout à fait singulière. Après une seconde, il haussa les épaules avec un sourire :

― Bon ! voici que je deviens superstitieux ! acheva-t-il.

Il dépassa la table et reprit sa promenade à travers l’appartement.

Préférant sans doute l’obscurité, en arrivant à la veilleuse, il l’éteignit.

Soudain, au dehors, au-dessus des vallées, le croissant lunaire, passant entre les nuages, glissa très sinistrement un rayon sur cette table noire, par la croisée ouverte.

Le pâle rayon caressa la main inanimée, erra sur le bras, fit jeter un éclair aux yeux de la vipère d’or, la bague bleue brilla…

Puis tout redevint nocturne.