Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/23

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Félicienne et Georgette devaient fatalement se rencontrer ! Oui : c’était inévitable. Eh bien, leur amitié, loin de s’atténuer de ce changement d’existence, s’en renforça, tout au contraire. En effet, même au plus fort des étourdissements du monde, on aime à se retremper, de temps en temps, en quelque chose de pur et d’honnête ; et, ce quelque chose, elles l’obtenaient, entre elles, par le simple échange d’un regard d’autrefois tout chargé des innocents souvenirs de leur jeune âge à l’Institution Desagrémeint ; — noble et chaste illusion dont l’inaliénable trésor consolidait leur sympathie.

L’impression qu’elles puisaient en ce respectif regard leur procurait, — par son contraste, et à volonté, — un doucereux piment de mélancolie où toutes deux resavouraient au moins un arrière-goût de cette estime laïque d’elles-mêmes qui leur était foncière ; bref, chacune en ressentait « qu’on n’était pas les premières venues ».