Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/44

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et naturelle, les yeux de l’inquisiteur étaient évidemment ceux d’un homme profondément préoccupé de ce qu’il va répondre, absorbé par l’idée de ce qu’il écoute, ils étaient fixes — et semblaient regarder le juif sans le voir !

En effet, au bout de quelques minutes, les deux sinistres discuteurs continuèrent leur chemin, à pas lents, et toujours causant à voix basse, vers le carrefour d’où le captif était sorti ; on ne l’avait pas vu !… Si bien que, dans l’horrible désarroi de ses sensations, celui-ci eut le cerveau traversé par cette idée : « Serais-je déjà mort, qu’on ne me voit pas ? » Une hideuse impression le tira de léthargie : en considérant le mur, tout contre son visage, il crut voir, en face des siens, deux yeux féroces qui l’observaient !… Il rejeta la tête en arrière en une transe éperdue et brusque, les cheveux dressés !… Mais non ! non. Sa main venait de se rendre compte, en tâtant les pierres :