Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/104

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crée ce qu’il exprime. Mesure donc ce que tu accordes de volonté aux fictions de ton esprit.

Fermant le livre et le jetant sur les autres :

Chansons !

Il bâille. — Puis, rêveur, après un coup d’œil sur les objets autour de lui :

C’en est fait ; je ne doute plus. — Mon jeune châtelain donne, en toute réalité, dans l’Hermétique, la kabbale et les histoires de sabbat ! C’est, à coup sûr, ce maître Janus qui lui insuffle et lui instille dans la tête ces superstitions épaisses… qui seront, longtemps encore, le vice de l’Allemagne. Leurs entretiens doivent rouler sur la Sainte-Vehme et sur… les Rose-Croix ? Au fait, il y en eut, dans notre famille : mais… quand c’était de mode. — Je m’explique fort bien que ce morne insensé n’ait point jugé à propos, jusqu’à ce jour, de se montrer à mes yeux profanes. Je l’eusse exécuté, en deux ou trois brocards, de la belle manière.

Un silence. Il s’assoit auprès de la table et se verse à boire.

Je l’avoue : ce manoir, y compris ses habitants, me semble improbable. Je m’y trouve paradoxal. Ici, l’on est en retard de trois cents ans, montre en main. Je croyais exister à l’aurore du siècle xix ? — Erreur !… En franchissant ce seuil, je me suis aperçu que je vivais sous l’empereur Henri, au temps des guerres d’investiture.