Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/20

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pour vous secourir, c’est l’onction, — c’est l’onction ! et que vous soyez toute à Dieu, qui pacifie les cœurs inquiets. Certes, selon les hommes, je devrais admettre que vous êtes libre de nous quitter ; mais, selon Dieu, moi, qui ai charge de votre âme, puis-je vous laisser rentrer dans le monde, seule, riche et aussi belle, au milieu de ces tentations (dont je n’ignore pas les séduisantes violences, non plus que le désenchantement mortel) ? — Ai-je le droit, alors que vous m’avez été confiée, de ne pas agir, en cette circonstance, pour le mieux de votre bonheur réel, incapable que vous êtes de le discerner ? — L’expérience des voluptés conduit au désespoir : plus tard, malgré votre volonté, vous seriez sans force pour revenir ; je dois le prévoir pour vous. Quoi ! le vertige vous guette au bord du gouffre et je n’aurais pas le droit de vous préserver de son attirance ! Mon abstention serait une faiblesse proditoire dont vous sauriez me demander compte au dernier jour. — Ne point vous retenir quand vous voulez plonger dans les ténèbres ! sans directeur, ni famille ! et avec l’esprit ardent que je devine sous vos paupières baissées ? Non ! non. Vous ne sauriez vous conduire, là-bas, selon Dieu. — Je vais donc vous offrir à Lui ce soir même. Oui cette nuit.

Un silence.