Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/267

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rayons mystérieux. La Terre me défie et me tente par son apparition. Haut, frémissant tout à coup :

Jeune fille, ce grand trésor — que nous venons de tant dédaigner après l’avoir tant rêvé — ne vaut pas que l’on meure à propos du nom qu’on lui donne. — C’est une circonstance plus vague et plus sombre qui vient, en effet, de te condamner. Pendant que tu parlais, le reflet de ton être m’entrait dans l’âme ; tu t’emparais des battements de mon cœur… et j’ai, déjà, ton ombre sur toutes les pensées. Or, si je porte en moi mon propre exil, je tiens à y rester solitaire. — Je suis celui qui ne veut pas aimer… Mes rêves connaissent une autre lumière ! — Malheur à toi, puisque tu fus la tentatrice qui troublas, par la magie de ta présence, leurs vieux espoirs. — Désormais, je le sens, te savoir au monde m’empêcherait de vivre ! C’est pourquoi j’ai soif de te contempler inanimée… et — que tu puisses ou non le comprendre — c’est pour t’oublier que je vais devenir ton bourreau !

Sara, comme éblouie, à elle-même et le regardant avec stupeur

Ô paroles inouïes !

Un silence ; puis, presque à elle-même, sourdement :

S’il était vrai que toi seul, entre les fils d’une