Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/281

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perdus entre le rêve et la vie, cette mystérieuse fleur, Axël !

Harpes redisant dans l’ombre le chant des Rose-Croix.

— Vois l’inconsolable rose ! — Elle m’apparut dans un enclos désert, par une aurore de dangers : je m’enfuyais ! C’était au sortir du cloître de Sainte Apollodora. Mes vêtements blancs, arrachés de la fête mystique, se confondaient avec la neige dont les lourds flocons, au tomber des branches de la forêt protectrice, effaçaient les traces de mes pas. Armée, de ce ferme poignard, contre nos semblables et aussi contre les bêtes des bois, et toute frémissante encore de la lumière des cierges, j’écoutais, dans la nuit, les cloches perdues qui rappelaient aux échos du monde la naissance de l’enfant Emmanuël, hélas ! pour qui j’aurais voulu mourir. — Soudain, aux clartés des dernières étoiles, le prodige de cette fleur, victorieuse de l’Hiver à mon exemple, attira mes regards et sa vision me sembla dégagée de moi-même ! L’harmonie entre les choses et les êtres n’est-elle pas infinie ?… Cette royale rose, symbole de mon destin, correspondance familiale et divine, ne devais-je point la rencontrer, dès mes premiers pas ? Son clair miracle saluait mon premier matin de liberté ! C’était comme un avertissement mer-