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d’autres pèlerins. Je pris rang, sur l’invitation de l’un des Pères. C’était l’heure du déjeuner. L’on traversa les cloîtres.

L’Abbé de Solesmes se tenait debout, une aiguière et un plateau à la main, au seuil du réfectoire. À ses côtes, le prieur, dom Couturier, et l’économe, dom Fontanes, debout aussi, me considéraient, les bras croisés en leurs longues manches noires.

Dom Guéranger me versa de l’eau sur les doigts en signe d’hospitalité : l’un des frères me tendit une serviette ; je m’essuyai. L’on me montra la table des hôtes, située au milieu de la salle — et entourée de celle des religieux — un peu au-dessous de l’estrade où l’Abbé, le prieur et l’économe seuls, prenaient leurs repas.

Après une prière pour les morts et un Pater noster (dont les deux premiers mots seulement furent prononcés, chacun le devant achever en soi-même), l’on prit place. L’un des Pères monta dans une chaire élevée auprès d’une fenêtre, ouvrit un tome des Bollandistes et se mit à lire, à haute voix, l’existence de sainte Lidwine.

Le repas des bénédictins était plus qu’austère. Un plat de légumes, du pain et de l’eau. Le nôtre me sembla plus recherché. Mais je regardais plutôt mes hôtes que le repas.

Entre les deux autres Pères, dom Guéranger apparaissait comme le pilier d’une abside entre ses deux colonnes. Il portait soixante années d’épreuves, de luttes et de pénitence. Pauvre, à vingt-