Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/160

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tions, — dans le but, aussi, d’éviter chez, par exemple, les jeunes veufs notoirement atteints de regrets trop aigus envers leur décédée, et qui, contre les usages, se risquent à braver, de leur présence, les sévères péripéties de la mise en fosse, — il a été statué que, sur l’appréciation d’un docteur expert, attaché, d’office, aux obsèques, s’il juge que le conjoint demeuré sur cette terre a trop présumé de ses forces, et pour lui épargner les crises de nerfs, heurts cérébraux, syncopes, convulsions et comas éventuels : bref, toutes manifestations inutilement dramatiques et pouvant entraîner maints désordres de nature même à troubler la bonne effectuation de ladite mise en fosse, — l’un de nos nouveaux employés, dits Inquiéteurs, lui serait dépêché à l’effet d’opérer en lui, selon son tempérament, telle diversion morale (analogue aux révulsifs et moxas dans l’ordre physique). Cette diversion, frappant, en effet, l’imagination du survivant et y suscitant des sentiments inattendus, lui permet de faire froidement et distraitement face, en homme de cœur, aux tristes nécessités de la situation.

Monsieur, le jeune blond de ce matin n’est donc qu’un de ces employés ; inutile d’attester qu’il n’a jamais vu et connu celle… que vous pouvez pleurer, dorénavant, chez vous, en toute liberté, sans inconvénients désormais pour l’ordre public.

Nos clients ne nous sont redevables d’aucune taxe supplémentaire, les honoraires de l’Inquiéteur se trouvant compris, sur notre facture, dans les frais généraux.

Recevez, etc.
Pour le directeur,
Poisson.