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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/205

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vers la féminine présence que, sans doute, ils décelaient.

Dans l’embrasure, à ma droite, une jeune femme appuyait son coude ganté à la draperie de velours grenat ployée sur la balustrade.

En vérité, son seul aspect, l’impression qui sortait de toute sa personne, me troublèrent, à l’instant même, au point que j’oubliai toutes les éblouissantes visions environnantes ! Où donc avais-je vu déjà ce visage ?

Oh ! comment se pouvait-il qu’une physionomie d’un charme si élevé, respirant une si chaste dignité de cœur, comment se pouvait-il que cette sorte de Béatrix aux regards pénétrés seulement du mystique espoir — c’était lisible en elle — se trouvât égarée en cette mondaine fête ?

Au plus profond de ma surprise, il me sembla, tout à coup, reconnaître cette jeune femme ; oui, des souvenirs, anciens déjà, pareils à des adieux, s’évoquaient autour d’elle ! Et, confusément, au loin, je revoyais des soirées d’un automne, passées ensemble, jadis, en un vieux château perdu de la Bretagne, où la belle douairière de Locmaria réunissait, à de certains anniversaires, quelques amis familiers.

Peu à peu, les syllabes, pâlies par la brume des années, d’un nom oublié, me revinrent à l’esprit :

— Mademoiselle d’Aubelleyne ! me dis-je.

Au temps dont j’avais mémoire, Lysiane d’Aubelleyne était encore une enfant : je n’étais, moi, qu’un assez ombrageux adolescent et, sous les séculaires